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mardi 4 février 2014

Coup de Cœur du Libraire - "Roublard", de Terry Pratchett (2013, L'Atalante) - ("Dodger", 2012, Doubleday)



             

                Terry Pratchett est surtout connu, en France, pour son cycle des Annales du Disque-Monde. Mais outre les quarante romans déjà publiés se rattachant au Disque-Monde (le dernier en date, Raising Steam, sorti à l’automne dernier, devrait nous parvenir dans la langue de Voltaire d’ici la fin d'année), il en a écrit un bon nombre, seul ou à quatre mains, qui valent tout autant le coup d’être lus. Une minorité de ces romans se destinent à la jeunesse (ce qui est également le cas de cinq des romans du Disque-Monde), mais peuvent être lus et appréciés par des adultes. Roublard (Dodger) se situe à mi-chemin, se rattachant au roman jeunesse comme au roman adulte.

                Depuis quelques années – depuis, en fait, qu’on lui a diagnostiqué une forme précoce de la maladie d’Alzheimer – , Terry Pratchett sait qu’il n’a plus beaucoup de temps devant lui, pour achever son œuvre, ou du moins écrire autant qu’il le pourra avant que son cerveau n’en soit plus capable. Dans ce contexte, il a entrepris d’achever certains projets entamés au début des années 1980, au tout début du Disque-Monde, avant que le succès du cycle – et son inspiration – ne l’incitent à se consacrer presqu’exclusivement à la franchise. Citons notamment le cycle en cours d’écriture, en partenariat avec Stephen Baxter, entamé avec La Longue Terre (The Long Earth) et se prolongeant avec La Longue Guerre (The Long War, publié en 2013 dans sa version originale, la version française suivra ce mois-ci). Roublard fait partie de ces œuvres revisitées, à trente ans d’écart, par un auteur au sommet de son art. Dans ce cas précis, il s’agissait d’ailleurs davantage d’une idée en germination que d’un manuscrit abandonné.

                L’histoire se passe dans l’Angleterre victorienne, entre 1837 et 1853 (la date exacte n’est pas mentionnée). Contrairement à ce à quoi l'on pourrait s’attendre de la part de Pratchett, ce roman n’est pas de la fantasy, mais un roman réaliste, au cœur de l’univers dépeint dans ses romans par l’écrivain Charles Dickens. Charles Dickens constitue d’ailleurs le second (ou troisième) personnage du roman en termes d'importance. Mais parlons d’abord du personnage principal. Orphelin élevé dans la rue, Roublard (son vrai nom demeurera secret jusque vers la fin du roman) est un jeune homme habitué à tirer sa subsistance de ses virées dans les égouts, qu’il connaît comme sa poche. Charismatique et bénéficiant d’une bonne réputation auprès des franges marginales de la population londonienne, il a échappé à la misère grâce à sa rencontre avec Solomon Cohen, un vieil horloger juif rescapé de pogroms en Europe de l’est. Ayant été sauvé au cours d’une agression par le jeune Roublard, Solomon l’a pris sous son aile et hébergé sous son toit.

                Le récit commence sous la pluie, la nuit, en pleine tempête. Roublard, entendant un cri, vole au secours d’une jeune femme qu’il sauve d’une agression (cela devient une habitude). Arrachant la mystérieuse inconnue des griffes de ses agresseurs, il l’aide à se cacher en la confiant à Charles Dickens, qu’il rencontre fortuitement, et ses amis. Il n’aura de cesse de retrouver ceux qui en veulent à la jeune femme (rebaptisée Simplicity), pour la mettre définitivement à l’abri de leurs exactions. Chemin faisant, il rencontrera des figures historiques emblématiques de l’époque, de Benjamin Disraeli à Charles Dickens, en passant par Sweeney Todd, le sinistre barbier de Fleet Street. Sa vie en sera changée à jamais, pour le meilleur et pour le pire.

                J’ai été charmé par cette œuvre atypique, d’un auteur prolifique ayant délaissé sa série principale pour rendre un ultime hommage aux auteurs et à la société du dix-neuvième siècle. Le livre-compagnon sorti un an après le roman, Dodger’s Guide to London, permet par ailleurs au lecteur de se plonger avec plus de précision dans le Londres de l’époque. Je dois confesser n’avoir pas lu la version française de ce roman, mais je ne doute pas que Patrick Couton aura réussi, comme à son habitude, à rendre justice à la verve de Pratchett, à sa voix unique qui refuse de s’éteindre.

Louis

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