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mercredi 19 février 2014

Coup de Cœur du Libraire - "Les gouffres de la Lune", d'Arthur C. Clarke

 
"Les gouffres de la Lune", d'Arthur C. Clarke, chez Milady 
 
 
Colonisée, la Lune n’en recèle pas moins ses propres dangers. Alors que prospère la première génération de sélénites, ces humains nés sur la Lune qui n’ont jamais mis les pieds sur la Terre, la Lune reste un territoire dangereux, où l’humain n’est pas autant à sa place qu’il peut parfois l’imaginer.
Pourtant Pat Harris a un job assez tranquille, plutôt que de piloter de dangereux vaisseaux dans le système solaire, il se contente du Séléné, une sorte de bus panoramique qui convoie des touristes dans sur la mer de la Soif, une curiosité naturelle lunaire. Plutôt pépère. Sauf ce jour où tout s’effondre. Littéralement avalé par les sables lors d’un tremblement de Lune, le vaisseau & ses passagers vont sortir brutalement de leurs petites rêveries touristiques pour faire face à la réalité des dangers d’une vie en-dehors de la planète Terre.

Je n’en dirais pas plus sur l’histoire, pour éviter de spoiler inutilement. Côté littéraire on retrouve Arthur Clarke, un grand auteur de SF, pour une histoire scientifiquement crédible (ça aide de se documenter). Bien loin des facilités du space-opéra, l’auteur opte ici pour un huis-clos qui ne déparerait nullement dans l’œuvre d’un auteur classique. Les relations au sein du navire perdu sont remarquablement ficelées, les rebondissements nombreux & le suspens toujours haletant.

Un roman court qui se dévore avec un plaisir vorace. Les naufragés s’en sortiront-ils vraiment ? Quelle nouvelle catastrophe succèdera à ce qui se passe en ce moment ? Vous ne le saurez qu’à la dernière page, bien entendu. ;)

Fabien

mardi 4 février 2014

Coup de Cœur du Libraire - "Roublard", de Terry Pratchett (2013, L'Atalante) - ("Dodger", 2012, Doubleday)



             

                Terry Pratchett est surtout connu, en France, pour son cycle des Annales du Disque-Monde. Mais outre les quarante romans déjà publiés se rattachant au Disque-Monde (le dernier en date, Raising Steam, sorti à l’automne dernier, devrait nous parvenir dans la langue de Voltaire d’ici la fin d'année), il en a écrit un bon nombre, seul ou à quatre mains, qui valent tout autant le coup d’être lus. Une minorité de ces romans se destinent à la jeunesse (ce qui est également le cas de cinq des romans du Disque-Monde), mais peuvent être lus et appréciés par des adultes. Roublard (Dodger) se situe à mi-chemin, se rattachant au roman jeunesse comme au roman adulte.

                Depuis quelques années – depuis, en fait, qu’on lui a diagnostiqué une forme précoce de la maladie d’Alzheimer – , Terry Pratchett sait qu’il n’a plus beaucoup de temps devant lui, pour achever son œuvre, ou du moins écrire autant qu’il le pourra avant que son cerveau n’en soit plus capable. Dans ce contexte, il a entrepris d’achever certains projets entamés au début des années 1980, au tout début du Disque-Monde, avant que le succès du cycle – et son inspiration – ne l’incitent à se consacrer presqu’exclusivement à la franchise. Citons notamment le cycle en cours d’écriture, en partenariat avec Stephen Baxter, entamé avec La Longue Terre (The Long Earth) et se prolongeant avec La Longue Guerre (The Long War, publié en 2013 dans sa version originale, la version française suivra ce mois-ci). Roublard fait partie de ces œuvres revisitées, à trente ans d’écart, par un auteur au sommet de son art. Dans ce cas précis, il s’agissait d’ailleurs davantage d’une idée en germination que d’un manuscrit abandonné.

                L’histoire se passe dans l’Angleterre victorienne, entre 1837 et 1853 (la date exacte n’est pas mentionnée). Contrairement à ce à quoi l'on pourrait s’attendre de la part de Pratchett, ce roman n’est pas de la fantasy, mais un roman réaliste, au cœur de l’univers dépeint dans ses romans par l’écrivain Charles Dickens. Charles Dickens constitue d’ailleurs le second (ou troisième) personnage du roman en termes d'importance. Mais parlons d’abord du personnage principal. Orphelin élevé dans la rue, Roublard (son vrai nom demeurera secret jusque vers la fin du roman) est un jeune homme habitué à tirer sa subsistance de ses virées dans les égouts, qu’il connaît comme sa poche. Charismatique et bénéficiant d’une bonne réputation auprès des franges marginales de la population londonienne, il a échappé à la misère grâce à sa rencontre avec Solomon Cohen, un vieil horloger juif rescapé de pogroms en Europe de l’est. Ayant été sauvé au cours d’une agression par le jeune Roublard, Solomon l’a pris sous son aile et hébergé sous son toit.

                Le récit commence sous la pluie, la nuit, en pleine tempête. Roublard, entendant un cri, vole au secours d’une jeune femme qu’il sauve d’une agression (cela devient une habitude). Arrachant la mystérieuse inconnue des griffes de ses agresseurs, il l’aide à se cacher en la confiant à Charles Dickens, qu’il rencontre fortuitement, et ses amis. Il n’aura de cesse de retrouver ceux qui en veulent à la jeune femme (rebaptisée Simplicity), pour la mettre définitivement à l’abri de leurs exactions. Chemin faisant, il rencontrera des figures historiques emblématiques de l’époque, de Benjamin Disraeli à Charles Dickens, en passant par Sweeney Todd, le sinistre barbier de Fleet Street. Sa vie en sera changée à jamais, pour le meilleur et pour le pire.

                J’ai été charmé par cette œuvre atypique, d’un auteur prolifique ayant délaissé sa série principale pour rendre un ultime hommage aux auteurs et à la société du dix-neuvième siècle. Le livre-compagnon sorti un an après le roman, Dodger’s Guide to London, permet par ailleurs au lecteur de se plonger avec plus de précision dans le Londres de l’époque. Je dois confesser n’avoir pas lu la version française de ce roman, mais je ne doute pas que Patrick Couton aura réussi, comme à son habitude, à rendre justice à la verve de Pratchett, à sa voix unique qui refuse de s’éteindre.

Louis